Mis à jour le 10/06/2022

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Notre partenaire TAC ECONOMICS dresse, à mi-2022, une analyse du commerce mondial et des évolutions à prévoir sur l’année à venir.

Crise sanitaire, inflation, conflit ukrainien : quand les chocs exogènes viennent peser sur l’activité économique

Nous nous attendions à un effet rattrapage plus fort de l’économie mondiale début 2022, mais la persistance de la pandémie, notamment en Chine, et le début de la guerre en Ukraine (24 février) continuent de créer des contraintes d’approvisionnement qui vont durablement affecter l’activité et les prix. Avant même de dresser les perspectives 2022/2023, il est souhaitable de revenir sur les facteurs clés d’activité et sur la manière dont ils vont l’affecter au cours des prochains trimestres.

Activité et commerce international à mi-2022 : où en est-on ?

L’activité mondiale a progressé rapidement en 2021, permettant de combler en partie la chute observée
en 2020 avec la crise Covid. Cette reprise de l’activité est en partie liée à un effet mécanique de rattrapage des économies soutenues par les politiques publiques et au rebond synchronisé des économies. Cet acquis de croissance important en 2021 est un élément fort de soutien de la croissance en 2022. Si l’on pouvait s’attendre à une normalisation de cette situation, la combinaison d’un triple choc (sanitaire, conflit, inflation) pose désormais la question d’un point de bascule et d’un nouvel environnement plus négatif qu’attendu, de nature à affecter les perspectives à horizon 12 mois.

Crise sanitaire : peut-on oublier le risque Covid ?

Malgré l’amélioration de la situation sanitaire, et le sentiment de passer progressivement d’un risque pandémique à une situation endémique, ne nécessitant plus de contraintes d’endiguement, le virus va continuer d’affecter l’économie à travers plusieurs canaux.

Premièrement, la faiblesse de la vaccination (66% de la population mondiale et seulement 23% de la population en Afrique), laisse ouverte la possibilité d’apparition de nouveaux variants. Deuxièmement, alors que les pressions sur les chaines d’approvisionnement semblaient s’atténuer, les choix de politique publique, type zéro Covid en Chine, continuent de perturber le commerce maritime entraînant de nouveau des pénuries d’intrants manufacturiers et une hausse des coûts. Enfin, les réactions politiques à la pandémie ont considérablement augmenté les niveaux d’endettement, rognant les marges de manœuvre.

Cela pourrait précipiter des problèmes de liquidité ou de solvabilité dans les pays émergents, en particulier pour les souverains des pays à faible revenu et les entreprises des pays à revenu intermédiaire, à ajouter à la liste des pays déjà en défaut depuis 2020 (Argentine, Belize, Équateur, Liban, Russie, Sri Lanka, Suriname, Zambie).

Conflit en Ukraine : quelles implications directes ?

C’est à travers le choc d’inflation que le conflit va principalement affecter l’économie mondiale. D’une situation pré-existante déjà complexe, aux marges de manœuvre réduites, s’ajoute désormais la hausse des prix des produits alimentaires. Malgré leur faible part dans le commerce et la production mondiale, la Russie et l’Ukraine sont des fournisseurs clés de biens essentiels, notamment d’huile végétale (71% des importations mondiales) de fer (58%) et d’engrais (33%), dont l’approvisionnement est désormais menacé par la guerre. Les expéditions de céréales via les ports de la mer Noire ont déjà été interrompues, ce qui aura des conséquences désastreuses sur la sécurité alimentaire. Cette combinaison de facteurs entraînera des difficultés économiques, sociales, politiques et financières importantes.

Inflation : où va-t-on ?

Les pressions inflationnistes se sont donc amplifiées sur les deux dernières années, au niveau mondial, liées à la crise du Covid et maintenant le conflit en Ukraine.

L’inflation mondiale est passée de 3,2% en 2020 à 4,7% en 2021 (de 0,5% à 2,1% pour la France). Elle est la conséquence de 2 facteurs : la hausse du prix des matières premières, notamment de l’énergie et d’une inadéquation liée au Covid entre une forte hausse de la demande intérieure et une persistance des contraintes d’offre qui crée une pression sur les prix des biens.

Ajoutons pour certains pays, notamment aux États-Unis, une situation de surchauffe de l’économie, qui crée les conditions d’une spirale prix/salaires. Si les contraintes d’approvisionnement et les difficultés sur les chaines de valeur semblaient s’atténuer, le conflit ukrainien change la donne et, au contraire, les exacerbe. Les pressions à la hausse exercées sur les prix des matières premières, notamment de l’énergie, sont le reflet du rebond postcovid : l’augmentation de la demande mondiale, le faible niveau des stocks et d’une augmentation limitée de l’offre de l’OPEP+ à partir de l’automne 2021. Pour les métaux, le sous-investissement à long terme et les prix élevés de l’énergie augmentent les coûts de la production.

Perspectives : à quoi s’attendre au cours des 12 prochains mois ?

Même si les gouvernements, qui en ont encore la capacité, prennent des mesures pour amortir l’impact de ces chocs exogènes sur l’activité, le risque inflationniste pousse les banques centrales à agir en sortant des politiques d’octroi de liquidité et en resserrant leur politique monétaire pour lutter contre l’inflation. Un nouvel environnement, plus incertain avec des conditions financières plus restrictives, se met peu à peu en place alors même que les économies se remettent à peine pour certaines du choc Covid. La question n’est pas tant sur le ralentissement ou non de la croissance. La hausse des prix, des taux d’intérêt et le climat d’incertitude vont nécessairement conduire à un freinage de l’activité dès 2022. La question est plus celle de l’ampleur du ralentissement et des pays à risque et opportunités dans cet environnement ? La dynamique de l’activité pour 2022/2023 dépendra bien entendu de l’évolution des prix de l’énergie, de la situation géopolitique ou des contraintes d’approvisionnement.

Par pays, les États-Unis seront sans doute les plus résilients à ce choc, affectés par l’impact du
resserrement monétaire de la Fed, mais moins directement par les implications du conflit en Ukraine, de par leur indépendance énergétique. L’Europe serait fortement affectée, de par les conséquences géopolitiques du conflit, à des degrés divers selon le mix énergétique, l’exposition à la Russie et la part de l’industrie dans l’économie de chaque pays. Rajoutons également pour l’Europe, la capacité d’ajustement à une réduction ou une interruption des approvisionnements en pétrole et gaz de la Russie, risque qui paraît solide à moyen terme. Côté pays émergents, les effets de transmission du conflit seront substantiels compte tenu du choc immédiat sur le commerce et les prix des produits de base. L’Asie centrale, l’Europe centrale et orientale, l’Afrique du Nord et certaines parties de l’Afrique subsaharienne seront les plus touchées.

Parmi les pays à risque, citons la Biélorussie, l’Arménie, la Serbie, le Maroc, la Tunisie et l’Égypte.

A l’inverse, certains grands exportateurs d’énergie bénéficieraient de la situation actuelle (Nigeria, Gabon et la plupart des membres du Conseil de Coopération du Golfe).

 

Prévision de croissance du PIB